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"Lan Yu" : amours masculines au temps de Deng Xiaoping

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06, mars, 2002, 11:03:51

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• LE MONDE | 05.03.02 | 12h21

"Lan Yu" : amours masculines au temps de Deng Xiaoping
Portrait distant d'une liaison

Film chinois (Hongkong) de Stanley Kwan. Avec Hu Jun, Liu Ye. (1 h 26.)

Dans un pays ou regnent deux maitres, l'argent et le parti, un homme riche et puissant achete un jeune etudiant, pour une nuit. Si la Republique populaire de Chine ne ressemble a aucun autre pays, l'amour y exerce le meme ascendant qu'ailleurs. Cette passe sordide dans un hotel anonyme s'epanouira en une liaison passionnee.

L'histoire du patron Chen Handong et de l'etudiant en architecture Lan Yu fut d'abord un roman electronique, diffuse sur Internet en Chine continentale. Les deux premieres sequences que Stanley Kwan a tirees de ce texte sont empreintes d'une violence diffuse. On y voit des hommes aux manieres de criminels jouer au billard et boire du whisky. Deux seides organisent la nuit de leur patron en lui presentant un etudiant desargente, a peine sorti de l'adolescence.

On sent que les deux hommes se mettent en danger, pousses l'un par le desir, l'autre par la necessite. Et Stanley Kwan parvient a saisir le moment ou, de cette situation sans promesse, nait un peu de tendresse.

Mais, aussitot, le cineaste paraît embarrasse par ses amants. Ce n'est pas un probleme de scenario. Profondement ancree dans la realite chinoise du moment (Chen Handong et Lan Yu se rencontrent a la fin de 1988), l'intrigue se nourrit de la repression contre les etudiants de la place Tienanmen, de l'ouverture de la Chine aux capitaux etrangers et des proces anticorruption qui affectent l'un ou l'autre des protagonistes. L'etudiant echappe de peu aux chars dans la nuit du 3 au 4 juin 1989, et le patron sauve sa peau en corrompant ses juges.

Mais ce qui devrait faire la chair et le sang du film semble escamote. Les procedes qui servaient les premieres scenes - corps filmes a contre-jour, cadrages serres des scenes d'interieur - finissent par constituer un glacis rebarbatif autour des deux acteurs.

TOURNAGE SEMI-CLANDESTIN

Pourtant, Hu Jun, qui incarne l'homme d'affaires, met a jour avec elegance les failles de son personnage, coince entre la pression sociale et familiale (il tente d'echapper a Lan Yu en epousant une jeune femme de bonne famille) et son desir. Mais en face Liu Ye reste superficiel, ectoplasme charmant.

Malgre la scansion de l'histoire, la succession de ruptures et de retrouvailles vire au roman rose, situation et dialogues flirtent dangereusement avec les lieux communs. On trouvera dans les contraintes imposees par la semi-clandestinite du tournage des excuses a cette faiblesse.

Force de tourner en interieur des scenes qui se seraient mieux trouvees d'etres filmees en exterieur, le cineaste se maintient a distance de ses personnages et de son histoire. Lan Yu se termine par une longue successions de plans voles justement dans les rues de Pekin a travers les vitres d'une voiture, comme pour montrer les lieux dans lesquels aurait pu vivre ce film dont on ne voit que le spectre.

Thomas Sotinel

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 06.03.02



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